mardi, septembre 12, 2006

Bairta Mongolia *

C’est avec joie que nous avons retrouvé notre vieille Citroën qui nous attendait bien sagement chez les parents de Borgio, un ami mongol. Nous avions commandé quelques pièces avant de partir en Chine, qui étaient arrivées entre-temps par DHL. Steph se réjouissait de redonner un peu de jeunesse à certaines parties du moteur, fatiguées par les 18 000 km déjà parcourus.
Mais avant de mettre les mains dans la bonne graisse mécanique, il a d’abord voulu la nettoyer de la boue des pistes, histoire d’y voir plus clair. Elle a eu droit à un shampouinage en règle pour les retrouvailles !


Ensuite phase « remise en forme » avec le remplacement de la pompe a essence qui nous avait joué des tours quelques chapitres auparavant, changement de l’hélice qui avait perdu quelques palles et pose de nouveaux segments, histoire de lui redonner un peu de pêche. Il a fallu deux petites journées pour réviser l’ensemble de l’Ami6.
Du coup, entre la mécanique, la rédaction du blog et les formalités pour lancer la demande de visa russe, nous passerons finalement 10 jours à Ulan Bator !


Mais nous avions aussi quelques amis à revoir et c’est finalement bien agréable de retrouver un univers connu, nos habitudes comme les petits croissants de la boulangerie française, tenue par un Alexandre toujours souriant … Quand on est en perpétuel mouvement, le plaisir de retrouver quelques attaches, aussi fines soient-elles donne un peu l’impression de retourner a la maison ! Du coup on a pas vu le temps passer et on s’est sentis un peu moins oppressés par la vie citadine que les autres fois. La Chine nous aurait-elle vaccinés avec ses mégapoles ? ...

Nous avons aussi revu Nanjid, notre super chauffeur, que nous avons eu grand plaisir à retrouver. Comme toujours il s’est montré prêt à nous rendre service : il a conduit Stéphane dans ses repères à trésors mécaniques, discutant les prix pour lui et lui dénichant les meilleurs coins pour tout ce dont il avait besoin.

Il a tenu à faire une séance photo avec le costume traditionnel mongol, et nous sommes allés au pied du Grand Bouddha qui domine Ulan Bator pour avoir un décor digne de nos tenues !!!
Nanjid est quelqu’un de formidable et probablement le mongol avec lequel nous avons le mieux sympathisé. Nous espérons vraiment rester en contact avec lui.















Par contre nous avons aussi retrouvé d’autres connaissances dans la capitale de Mongolie : les enfants de la rue. Nous n'en avions pas parlé jusqu'alors mais l'hiver approchant, leur sort ne peut laisser indifférent. Ces enfants, tous venant de milieux très difficiles ont soit fuit des parents alcooliques ou abusifs, soit se sont retrouvés livrés a eux-mêmes, la famille ne pouvant plus les nourrir. C’est digne d’une histoire de Petit Poucet, mais il existe en effet une réelle misère sociale dans les faubourgs d'Ulan Bator, et ce n’est pas un conte de fée, c’est bien réel et ça se passe en 2006.Mais le plus terrible c'est que quand vient l'hiver les mômes n'ont alors pour seul refuge contre le froid, que les égouts de la ville ! Ils vivent ici, entre les conduits de chauffage central et d'eau chaude qui leurs procurent un peu de chaleur pour lutter contre les moins 30 degrés de l'extérieur ... Bien entendu ils se blessent, tombent malades et ont évidemment des carences alimentaires. Et dans des situations de dénuement pareil, cela prend des proportions énormes et des dizaines de gamins meurent chaque année, parfois juste de froid !!!
Certains préfèrent même vivre de petits larcins pour passer l’hiver en prison et avoir au moins une soupe et un lit…
Ils sont environ 2000 enfants à vivre dans la rue. A l’époque communiste cela n’existait pas. A l’heure où l’on applaudit les efforts démocratiques de la Mongolie et son ouverture vers l’occident, la condition de ses enfants devrait être la priorité du gouvernement mongol.Une situation pareille, avec des gosses qui n'ont pour certains même pas 5 ans est insupportable.
Nous avons sympathisé avec un des enfants qui faisait la manche prés de notre hôtel. Nous n’avons pas pu faire grand-chose, à part lui offrir quelques repas. Et son grand sourire à chaque fois qu’il nous voyait était à la fois chaleureux et en même temps nous brisait le cœur de voir ce môme adorable, tout seul et livré à la loi de la rue. Car même entre eux les gosses ne sont pas tendres et certains même sont organisés en « gangs » …à 10 ans … Des enfants sans enfance.

Si on ne peut tous les adopter, même si parfois l'envie est grande, on peut cependant aider les organismes qui s'en occupent. Il y a heureusement plusieurs structures à Ulan Bator, gouvernementales ou non.
Il existe la fondation Christina Noble, qui œuvre pour les enfants en Asie du Sud et qui a monté un lieu d’accueil à Ulan Bator. Elle accepte toute sorte de dons comme des vêtements ou des cahiers. La liste de ce dont ils ont besoin est longue, et si vous voulez contribuer à son travail, vous pouvez aller voir son site :
http://www.cncf.org/

Il y a aussi un orphelinat d'Etat, qui a évidemment très peu de moyens. Des jeunes viennent l'été pour faire des camps avec les enfants et leur donner un peu d’animation pendant quelques mois. Nous avons rencontré un groupe de français, venus avec des camions chargés de matériel pour l’orphelinat (et aussi du matériel son et lumière pour organiser des rencontres musicales avec des locaux).
Ils sont restés tout l’été et racontent leur expérience avec les enfants sur leur site : http://missionmongolie.blog.lemonde.fr/missionmongolie/2006/08/index.html
Ils les ont notamment enregistrés chantant a capella, pour vendre le CD au profit de l’orphelinat.

Nous avons aussi profité d’être dans la capitale pour aller écouter une dernière fois un concert de musique traditionnelle mongole. Ce fut comme toujours un vrai régal, les chants et les mélodies vous transportant loin dans la steppe, au rythme du galop des chevaux, ou du souffle du vent. A découvrir absolument !



Cela nous a pressé de retrouver les grands espaces et nous avons filé direction l’Est d’Ulan Bator, du côté de Baganuur, dans un coin que nous avait conseillé Borgio.
Ces quelques centaines de kilomètres nous ont permis de tester la voiture, qui va bien et qui a repris un peu de pêche. C’était bien agréable de renouer avec les nuits dans notre petite auto et de se réveiller en regardant la campagne autour.


Nous avons retrouvé les merveilleuses lumières et les somptueux paysages de Mongolie qui nous avaient manqué. Nous avons planté le bivouac prés d’une large rivière, nous régalant depuis l’entrée de la tente des contrastes du bleu profond de l’eau et de celui plus clair du ciel, avec l’or des steppes jaunies par l’été.


Un été bien loin déjà semble-t-il car au petit matin, c’est la neige qui nous a accueillis au réveil ! Nous avions résisté depuis la veille à un fort vent du Nord si froid qu’il nous avait contraints malgré le soleil à enfiler blousons et bonnets.

Il avait même fallu arrimer la tente à la voiture pour qu’elle ne s’envole pas… Nous ne nous attendions tout de même pas à ce qu’il nous amène des giboulées de neige !



Mais comme en fin de matinée le ciel devenu gris de plomb a commencé à s’éclaircir, nous avons vaillamment décidé de rester encore, résolus à ne pas déjà retourner à Ulan Bator.
Le lendemain fut ensoleillé mais décidément trop froid, et quand il se remit à neiger nous décidâmes de plier le camp.



Nous partîmes à la recherche de quelque camp de yourte pour nous réchauffer autour d’un poêle. C’est avec joie que nous avons finit par en dénicher un dans un endroit non moins idyllique, avec une vue superbe sur un large fleuve aux langoureux méandres.

Et comme par hasard le lendemain le vent était tombé par miracle et il faisait si chaud que nous avons déjeuné devant notre ger en T-shirt ! Allez comprendre … On ne dira jamais assez que la Mongolie est un pays imprévisible !
Du coup nous avons pu profiter de l’endroit encore deux jours et se faire de belles balades au bord de l’eau.



Mais ce joli coin très peu fréquenté à cette saison promet de devenir un futur « tourist land » car les mongols ont bien compris l’intérêt lucratif de monter un camp de yourtes à 50 kilomètres d’Ulan Bator … Ainsi plusieurs structures étaient en construction autour de la notre et certains bâtissent même des supers gers en béton, pour toujours plus d’authenticité !!!

Et malheureusement la capacité de recyclage des déchets ne suit évidemment pas cette expansion et l’on continue à jeter les poubelles, par exemple dans le lit de la rivière …


Nous avons finalement dû quitter cette (encore) belle rivière, pour rentrer sur « UB » récupérer nos visas. Cette fois nous avions chargé une agence de l’affaire, échaudés par l’expérience du consulat russe d’Almaty … Nous avons ainsi pu obtenir un « rab » de 4 jours en plaidant que notre 3 CV est loin d’être une fusée, car le visa de tourisme délivré par le consulat d’Ulan Bator n’est que de 21 jours, au lieu de 30 partout ailleurs !
Notre mission, et nous n’avons pas le choix de l’accepter, est donc d’effectuer 8 000 km de liaison entre la frontière mongole et les portes de l’Europe en 25 jours…
Cela dit, ça ne fait que 320 km par jour, mais il ne s’agit pas d’avoir une panne sérieuse …

Nous nous réjouissons cependant de découvrir le lac Baikal en automne et de retrouver la chaleureuse spontanéité russe. Nous verrons bien ce que nous réserve « La Grande Russie » et en particulier les premiers milliers de kilomètres sibériens où nous savons qu’une route en très mauvais état, voir même une piste boueuse nous attend sur 200 km…
Quant à notre parcours dans ce vaste pays, au delà d’Irkoutsk puis Novossibirsk, nous ne sommes pas encore déterminés, le froid décidera pour nous … Mais après cette petite semaine à moins de zéros degrés sous notre tente estivale, on est prêt à affronter le début de l’hiver Sibérien !


En attendant voici une petite carte à agrandir du parcours effectué jusqu’à présent. C’est un trajet approximatif de ce que nous avons réalisé : en blanc avec la voiture, en rouge avec un autre moyen de transport (jeep ou mini van russe, cheval, train ou bus).
















Notre route de l’eau se poursuit maintenant sur les rivières du retour ...

* "Au revoir Mongolie"

dimanche, septembre 03, 2006

L'Empire du milieu


Comment décrire notre séjour en Chine ?
Comme l’impression d’avoir vécu dans une énorme « marmite à riz » ?! …
Vous connaissez probablement ces appareils de cuisson à vapeur pour le riz. Et bien avec un peu d’imagination le climat chinois au mois d’Aout peut faire le même effet : celui d’être un petit grain de riz au milieu d’un milliard d’autres grains de riz qui cuisent lentement dans une chaleur saturée d’humidité !
Heureusement cet extraordinaire pays ne se résume tout de même pas à cela, mais c’est à peu prés ainsi que nous avons ressenti nos premières impressions de Chine. Il faut dire qu’après la fraicheur et les grands espaces de Mongolie, le contraste était saisissant.

Nous sommes arrivés a Pekin à 5h du matin après un trajet de 36h en train. Notre parcours faisait partie du mythique trajet du Transibérien, de Moscou à la Chine. Mais entre Ulan Bator et Pékin il est appelé le « Transmongolien ». Nous avions à notre disposition dans le compartiment un pique-nique gracieusement offert, du thé et, au bout du couloir, un samovar distribuant de l’eau en permanence, chauffée au poêle à bois.


Mais la principale originalité de ce train est qu’il change de roues en milieu de parcours ! En effet les voies ferrées soviétiques n’ont pas le même écartement que celles des chinois. Ainsi pour éviter aux passagers de changer de train, c’est le train qui se transforme ! Les wagons sont soulevés à plus d’un mètre du sol et les essieux sont échangés, opération qui prend environ deux heures.

Le voyage fut plutôt agréable, nous conduisant des steppes verdoyantes à l’aridité du désert de Gobi, puis à la végétation luxuriante de la Chine. Nous pénétrions enfin dans ce gigantesque pays, en ayant fait tout ce trajet par voie terrestre ! Nous commencions à réaliser que notre petite maison de Beaujeu était vraiment loin !
Il faut dire que lorsque l’on pénètre en Chine on a un peu l’impression de changer de planète ! Du moins on change vraiment de continent, il n’y a pas de doute, on entre en Asie du Sud, le dépaysement est total. Les paysages n’ont rien à voir avec ceux que nous avions traversés jusqu’alors, les visages et les costumes ont changé, les vélos apparaissent tout à coup par centaines, et l’on sent qu’une vie bouillonnante déborde des maisons et s’exprime dans la rue, où se bouscule la foule.

A l’arrivée à Pékin nous étions pressés de sortir pour prendre enfin un peu l’air. Et là, surprise ! En descendant sur le quai la première inspiration ne semble pas pénétrer jusqu’aux poumons ! On cherche l’air, et on réalise que nos organismes doivent s’adapter subitement à une chaleur déjà étouffante à cette heure très matinale et surtout à un taux d’humidité jamais fréquenté jusqu’alors. Deuxième surprise, en sortant de la gare le brouillard est si dense qu’on ne voit pas à plus de 100 m ! Le bout des avenues et les buildings nagent dans la brume. C’est ce que l’on appelle le « Smog », un mélange d’humidité qui retient la pollution et forme un nuage opaque !
Premiers contrastes violents avec la Mongolie …Mais point les derniers !

Nous avons relié en quelques milliers de kilomètres les capitales de deux grands pays d’orient, et nous sommes passés d’un « village » en pleine modernisation de 870 000 âmes entouré de yourtes, à une mégapole de 14 millions d’habitants vivants dans une forêt de buildings, autours des avenues les plus larges que nous ayons jamais vues, s’entrelaçant dans d’inextricables échangeurs routiers !
Nous venions de débarquer au pays de la démesure.
Démesurément grand et démesurément peuplé, avec une surface de 9,5 millions de km2 il est le troisième plus grand état du monde, mais le premier par la population. Ainsi tout se mesure à cette échelle : le nombre de véhicules motorisés et bien entendu le nombre de vélos, la taille des moindres « petites » villes, la production énergétique nécessaire pour faire vivre une telle population, la taille de leurs constructions (déjà il y a 2000 ans ils construisaient la Grande Muraille …) etc …

Mais la Chine est avant tout démesurément surprenante !
D’aucun ne peut rester indifférent à un pays aussi enchanteur par certains côtés et aussi pénible par d’autres. Et probablement, selon les affinités de chacun, pour des raisons différentes. Ainsi la palette des émotions et des sensations qui vous assaillent sans cesse est-elle infinie et parfois …épuisante ! Mais c’est aussi ce qui fait l’intérêt du voyage, et ce qui a fait de notre séjour en Chine un moment « intense ».
Ici pas une minute de répit pour les sens qui sont sollicités en permanence :
L’odorat frémit par moment aux senteurs de plats épicés, avant d’être assailli par les effluves d’eau croupie ou venant d’un monticule d’ordures.
Les yeux doivent être aux aguets en permanence pour éviter ici un vélo, là un crachat malencontreusement propulsé à vos pieds, ou au contraire pour repérer la petite merveille exposée dans une minuscule boutique.
Mais celles qui ont le plus souffert sont nos oreilles. L’agression des klaxonnes est permanente et parfois vraiment violente, sans compter les grincements insupportables des freins de vélos et les hurlements des haut-parleurs. Du coup les chinois ne se parlent pas mais aboient et l’ambiance dans les restaurants fait parfois penser à un hall de gare... A croire qu’ils en sont devenus sourds ! Et malheureusement aucun chants d’oiseaux n’a pu compenser ces bruits agressifs, nous n’en avons quasiment vu aucun de tout notre séjour, mis à part en cage …



Les premiers jours furent quand même adoucis par l’heureuse présence de Nathalie qui, maîtrisant très bien le chinois nous a tout facilité. Elle a trouvé un hôtel niché au cœur d’un quartier historique de Pékin, dans une de ces ruelles que l’on nomme Hutong (prononcer « routong »). Ces petites rues sont une vraie merveille et peut-être l’aspect le plus intéressant de Beijing (véritable nom de la capitale chinoise, nous nous sommes aperçus que seuls les français l’appellent « Pékin » … !).
C’est un vrai plaisir de s’égarer volontairement dans ces quartiers où frémit une façon de vivre traditionnelle. On est toujours tenté de glisser un œil derrière les épaisses portes en bois, qui dissimulent de jolies petites cours carrées souvent ombragées d’un grand arbre. L’organisation de ces maisons n’est pas ordinaire, elles sont toute orientées selon les règles du Fengshui, un art qui fait appel à la circulation de l’énergie universelle. Certaines datent de plus de 700 ans !

Ces petites maisons accolées ont créé une vie en communauté à laquelle les habitants sont apparemment très attachés, créant une certaine solidarité et une profonde entraide entre voisins. Certains quittent ces quartiers pour aller vivre dans les immeubles, car les Hutongs ne sont généralement pas alimentés en eau et en chauffage et qu’il faut utiliser les toilettes publiques dans la rue.

Mais ils y perdent aussi la chaleur de cette vie de quartier si animée.
On voit souvent les hommes rassemblés devant les entrées de cours pour boire une bière ou jouer au Majong, les femmes discuter avec animations les enfants jouant dans leurs jambes, ou alors c’est un groupe entier de voisins qui mangent dehors sur de petites tables, ou simplement un papy qui écoute ses oiseaux en cage …



Contrastant avec les calmes venelles, les rues marchandes sont couvertes de boutiques qui croulent sous les objets les plus divers, et de restaurants préparant des plats aux aspects parfois alléchants, parfois franchement …bizarres ! Les échoppes s’étalent jusque dans la rue et pour éviter d’alpaguer le passant toute la journée, certains ont placé des hauts- parleurs devant leur magasin qui crient pour eux toute la journée en boucle les qualités de leurs marchandises ! Les discussions vont bon train pour avoir le meilleur prix et au milieu se glissent les vélos et les « pousse-pousse » à grand renfort de sonnettes aux sonorités en tout genre.

Cette ambiance pleine de vie et de bruit, même si elle est vite fatigante, est un vrai bonheur pour les sens et vous fait ressentir le cœur palpitant de l’Asie.










Ces quartiers peu ordinaires, seuls endroits où l’on trouvait un vrai calme dés qu’on s’échappait dans une ruelle, tel un havre de paix soudain et inattendu, ont été notre « refuge pékinois » !

Ce sont vraiment les Hutongs qui nous ont fait aimer Beijing plus que toute autre ville de Chine et c’est désolant de savoir qu’ils sont détruits un a un par les réformes d’urbanisation.
En effet la démographie galopante et les besoins immobiliers poussent à remplacer ces petites habitations familiales par des immeubles toujours plus hauts. C’est un patrimoine architectural, historique et culturel qui disparait avec chaque quartier… Heureusement certains sont tout de même protégés et certaines maisons, comme celle où vécu le prince Gong au XVIIIe siècle, sont classées.



Une fois la famille partie à Shangai pour prendre l’avion qui les ramerait en France, nous nous sommes aventurés un peu plus loin que notre agréable quartier. Nous avons loué des vélos qui sont un moyen efficace et très sympa de se déplacer dans la ville. Partout l’on peut suivre des pistes cyclables mais l’adrénaline est à son comble quand il s’agit de traverser une rue pour changer de quartier !

Nous avons bien sure marché sur la place Tian Anmen, sous l’œil autoritaire de Mao dont l’immense portrait regarde fièrement la grande esplanade de sa création. C’est du haut des gradins qui entourent la « Porte de la paix céleste » que Mao regardait défiler ses Gardes rouges.
Son mausolée a été érigé au centre et une foule dense est prête à faire la queue plusieurs heures pour voir son corps embaumé. D’autres se font prendre en photo devant les statues dressées à l’entrée, à la gloire de l’ouvrier et du travailleur. Nous découvrirons que la grande passion des chinois est de systématiquement se faire prendre en photo devant les monuments qu’ils visitent. Et l’art de la pause se travaille dés le plus jeune âge !


C’est aussi sur cette place qui fut ainsi rendue tristement célèbre, que des manifestants réclamant la démocratie furent écrasés par les chars de l’armée en 1989 après l’ordre de Deng Xiaoping de les évacuer …


C’est au Nord de la place que se dresse la mythique Cité Interdite. L’envie était grande d’aller découvrir les merveilles que cachent ses hauts murs, mais l’incroyable foule qui se pressait devant, nous a convaincus d’attendre fin Aout (notre retour à Pékin) pour la visiter, dans l’espoir que le rush touristique se soit un peu calmé. Nous avons décidé de faire comme les empereurs en leur temps et d’aller plutôt au Palais d’été situé à quelques kilomètres de la ville, pour fuir l’écrasante chaleur estivale.
Cet endroit merveilleux était le lieu de villégiature de la cour en été. Un immense lac occupe les trois quarts du parc arboré. Une colline domine l’étendue d’eau ou de petits bateaux promènent des groupes de touristes. Elle abrite des dizaines de temples et de magnifiques palais aux noms tous plus évocateurs les uns que les autres : le palais de la bienveillance et de la longévité, le temple de la mer de sagesse ou le jardin de l’intérêt harmonieux …
Un canal a été creusé, entouré d’échoppes et de petits restaurants, reproduisant une Venise miniature.
De petits ponts arrondis enjambent les cours d’eau et un immense bateau de marbre a été construit pour l’impératrice Cixi ….





















Ce lieu est à la hauteur des exigences impériales des différentes dynasties qui s’y sont succédé et pas un pouce de terrain n’est laissé au hasard. Sur 300 hectares tout a été pensé avec l’art du raffinement et de l’harmonie chinoise. C’est un vrai régal pour les yeux et une source d’inspiration zen que de se promener dans ces allées.

Nous avions trouvé ici un peu de fraicheur et de calme pour la journée mais nous ne pouvions pas supporter trop longtemps la bouillonnante capitale. Nous avons décidé de partir plus au Sud, au pied de l’Himalaya pour trouver des températures moins élevées et un peu de nature dans les montagnes.
Nous nous sommes donc embarqués dans un train pour Chengdu. Cela était un peu difficile de s’accoutumer à ce changement de mode de transport car sans la voiture nous avions perdu notre autonomie, le plaisir de choisir où s’arrêter quand le paysage nous plaisait, de bivouaquer en pleine nature, de ne pas avoir d’horaires, et aussi d’avoir notre intimité. Cependant le voyage en train n’est pas le plus pénible, il faut juste décider d’y mettre quelques Yuans supplémentaires pour se payer sa tranquillité ! En effet avant de se lancer dans 30 heures de trajet mieux vaut savoir de quoi il en retourne. Si vous êtes en couchette, pas de problème, les lits « durs » qui correspondent à la 2eme classe sont corrects même si c’est bondé et que la troisième couchette en haut est presque collée au plafond. Les lits « mous » ont surtout l’avantage d’être des compartiments de 4 au lieu de 6 et sont beaucoup plus calmes. Mais si vous n’avez plus de place en couchette il faut se résigner aux places assises, et là il faut s’armer de courage, car vous devrez dormir sur votre siège avec les lumières et la radio allumées toute la nuit, dans un wagon surpeuplé où l’on crache sur le plancher, et fume en permanence (il faut savoir que les chinois crachent partout, sans cesse, et qu’ils fument comme des pompiers)…
Une autre originalité de ces voyages en train est l’arrivée en gare quand les vendeurs ambulants se pressent sur le quai. Mais attention, pas des vendeurs qui arrivent de la rue et se précipitent à la gare, le système communiste ne permettrait pas cela. Ces vendeurs sont organisés et ont une autorisation pour vendre sur le quai et portent même un « uniforme » identique ! Vous pouvez leur acheter toutes sortes de denrées, plus ou moins « comestibles » telles des pates de poulet, ou des œufs dont le « blanc » est noir par l’opération d’une mysterieuse sauce et bien d’autres mets complètement inconnus. Heureusement ils ont aussi des choses plus appétissantes, comme leurs brochettes de poulet …

Nous sommes donc arrivés dans le Sichuan deux jours plus tard, heureux de découvrir une nouvelle région et de s’installer dans une ville plus petite. Notre déception fut grande quand nous nous rendîmes compte qu’il faisait aussi chaud à Chengdu mais encore plus humide et que la ville était tout aussi bruyante et encore plus engorgée de véhicules que Beijing !
Il faut dire que la « petite » ville compte 11,3 millions d’habitants ! Difficile de s’adapter aux dimensions chinoises …
Nous ne voulions donc pas nous attarder dans cette nouvelle mégapole mais, manque de chance, c’est à ce moment là qu’Emma s’est attrapée une bonne gastro (ou « tourista » si vous préférez), qui l’a confinée à l’hôtel trois jours …Stéphane qui détestait la pollution et le bruit infernal des rues de Chengdu a pourtant été s’y balader seul pour passer le temps. Heureusement que nous avions un magnifique jardin dans l’hôtel pour jouer aux échecs de longues heures au calme …

Il faut dire qu’en matière d’alimentation, la nourriture chinoise, qui a de fervents adeptes est quand même très particulière. Cela n’a rien à voir avec ce que l’on mange dans nos restaurants « chinois » occidentaux. Certains plats sont délicieux et introuvables ailleurs comme le canard laqué de Beijing, absolument fameux et qui se déguste dans de petites crêpes. Ils ont aussi des plats de poissons extraordinaires, présentés entiers et découpés comme des mangues retournées. Nous avons aussi été dans un restaurant végétarien ou nous avons gouté à 5 ou 6 plats différents, annoncés comme du « poulet aux cacahuètes », du « porc au barbecue » ou encore du « requin sauce chili » alors que tout était absolument végétarien … C’était là juste une façon de décrire le goût ou la forme. Ils proposent d’ailleurs souvent dans les restaurants du « porc goût poisson » … Cela dit c’est souvent très bon, mais on ne sait jamais ce qui va arriver dans son assiette et nous avons eu plus d’une surprise. Heureusement nous ne nous sommes pas fait avoir par la viande de chien, au menu dans les nombreux restaurants coréens ! Mais nous avons rencontré un couple de français qui n’a pas eu cette chance …
Dans le registre « bizarre », en dehors des pattes de poulet très appréciées il y a aussi les brochettes dont les chinois raffolent. Mais ce qu’ils y embrochent est plutôt étonnant comme des criquets, des larves ou des oisillons, mais aussi des hippocampes ou (c’est le meilleur) des scorpions encore vivants qui gigotent sur leurs brochettes !!!
A côté avec nos escargots et nos grenouilles on est vraiment gentils !
Donc quand on sort d’une indigestion et qu’on est en plus dans la région où la cuisine est la plus épicée de Chine, c’est dur de s’en remettre et on se réjouit qu’ils préparent aussi des quantités de riz blanc (ouf !).













Dés qu’Emmanuelle a été rétablie nous nous sommes un peu éloignés de Chengdu pour aller voir le plus ancien système d’irrigation de Chine et peut-être le plus vieux du monde, qui a été conçu au IIIe siècle avant Jésus Christ ! Dujiangyan est une assez jolie ville traversée de canaux, certains très anciens et d’autres plus modernes, car ils sont toujours utilisés pour réguler le cours du fleuve Min Hé. Cette puissante rivière causait de considérables inondations et sa force a été brisée par les barrages en même temps que les canaux permettaient d’irriguer la plaine de Chengdu. Aujourd’hui les petites rues qui longent le bord de l’eau sont devenues une promenade agréable où les habitants aiment venir se rafraichir, à grand renfort d’éclaboussures.



Nous remonterons ce grand fleuve le lendemain pour nous rendre à Songpan, un petit village dans les montagnes. 10 heures de bus en surplomb de la rivière. 10 h à constater sa pollution et sa surexploitation. Nous avons compté au moins 5 barrages électriques sur son cours. Du coup la rivière chargée de limon ne fait que s’envaser encore plus et n’a plus rien à voir avec son cours naturel. La Chine devant faire face à une demande en électricité toujours croissante a développé un nombre impressionnant de barrages sur ses cours d’eau. C’est elle qui en possède le plus grand nombre au monde ainsi que le plus grand jamais réalisé, le fameux Barrage des 3 Gorges. Mais les conséquences de ces barrages sont aussi d’assécher en aval les rivières. Ainsi le fleuve Jaune par exemple agonise car les centaines de barrages disséminés sur son cour ont réduit son débit à une coulée de vase. D’autres dont les réservoirs s’ensablent créent des inondations en amont. Ainsi la gestion des ressources en eau est-elle un problème épineux en Chine.
La sécheresse sévit dans le nord du pays, et les inondations dans le sud. Cela signifie que 40 % des régions manquent d'eau et que 47 millions d'habitants du nord ne disposent que de 10 à 15 litres d'eau potable par jour. Dans certaines régions, on doit procéder à des coupures périodiques d'approvisionnement… Pour remédier à cela les autorités envisagent d’aller pomper les réserves en eau que l’on a découvertes sous le sable du désert du Gobi. Elles représenteraient plusieurs millions de m3. Cependant, et fort heureusement, les scientifiques ne veulent permettre aucune action tant qu’une analyse écologique complète n’a pas été réalisée. En effet le pompage de l'eau pourrait rompre l'équilibre, et les dunes pourraient s'assécher et perdre leur stabilité. Le résultat aggraverait notamment les tempêtes de sable sur les grandes villes régionales et sur Pékin.

Mais le plus navrant c’est de voir à quel point l’eau est polluée. D’ailleurs aucun chinois ne boit autre chose que de l’eau minérale en bouteille. Personne n’oserait boire l’eau du robinet et encore moins celle des rivières … Cela en dit long sur l’état de l’eau en Chine. Mais quand on voit à quel point ils sont inconscients de leurs gestes envers l’environnement, on comprend mieux. Tout est déversé dans les cours d’eau : plastique, verre, tissus, poubelles … On vient y rincer ses serpillères et y déverser ses sceaux d’eau usée … Par les fenêtres des véhicules qui circulent on voit passer les bouteilles vides, les paquets de cigarettes, les emballages de gâteaux … Et quand on s’étonne de voir une employée de la « DDE » locale ramasser les détritus dans le caniveau, on exulte quand finalement elle jette tout simplement ce qu’elle a cueilli dans les arbres ou la rivière : c’était juste pour dégager le caniveau !!!!! Désolant, rageant …
Et cela n’est qu’à l’échelle du milliard d’habitants de ce pays, mais les grosses industries ne sont pas en reste pour en faire autant. Cela donne des catastrophes telles que celle qui s’est passée l’hiver dernier et dont on avait entendu parler jusqu’en France : 100 tonnes de benzène - un produit hautement toxique et cancérigène - ont fui d'une usine pétrochimique dans la rivière Songhua, suite à une explosion. Durant cinq jours, les habitants ont été privés d'eau. La nappe de benzène s'est ensuite écoulée vers la ville russe de Khabarovsk, provoquant au passage une empoignade avec Moscou. Mais ce n’était pas la première fois, 10 ans auparavant c’était du mercure qui avait pollué la même rivière…
Un mois plus tard, c'était la Beixiang qui était victime d'une pollution industrielle au cadmium (1000 tonnes) menaçant des millions de personnes.
En s’informant un peu, on apprend que plus de 70 % des rivières chinoises sont polluées et la ceinture industrielle qui court sur l’est du pays est bordée de ce que les médias chinois appellent des « villages-cancer » !
Parce qu’il faut bien que le pays réagisse, la Chine a promis d’augmenter son traitement des eaux urbaines (actuellement la moitié des 1,2 milliards de tonnes d’eaux usées de Pékin retournent dans les cours d’eau sans aucun traitement !!!). Pour se faire elle a ouvert son marché aux entreprises étrangères de protection de l’environnement et surtout à celles qui possèdent des technologies de pointe en matière de traitement de l’eau et des déchets …

Espérons juste qu’il ne soit pas un peu tard …



Après toutes ces réflexions qui ont alimenté nos conversations durant le trajet en bus (et nous ont aidé à oublier la route vertigineuse et la conduite inconsciente des chinois), nous sommes finalement arrivés à Songpan. Située à 3000 m d’altitude, c’est enfin une « petite » ville !
L’ancien centre ville est charmant est très bien conservé avec ses larges portes qui gardent l’entrée et ses multitudes de boutiques tibétaines. Le seul « hic » c’est qu’entre les écharpes en poil de yack, les chapeaux de cuir et les bracelets, trônent des peaux de Léopard des neiges, espèce hautement menacée et protégée à l’échelle internationale, et dont le commerce est strictement interdit …


En dehors des rues commerçantes, de petites ruelles se faufilent entre les maisons traditionnelles en bois, agrémentées de jardins fleuris pleins de charme. Et le temple qui se cache au milieu de ce petit quartier n’est pas bouddhiste mais musulman. Cette confession représente 2 à 3 % de la population chinoise. C’est intéressant de voir une mosquée aux allures de pagode avec des inscriptions tantôt en chinois, tantôt en arabe.


Nous étions venus jusqu’à ce village sur les conseils de Pierre et Nathalie qui s’étaient rendus ici quelques années auparavant, faire une randonnée à cheval. Cependant à l’époque où ils avaient fait ce treck, le site était peu connu. Nous découvrîmes avec déception qu’entre temps les balades à cheval de Songpan étaient citées dans tous les guides. Le village est devenu depuis petite ville, et des centaines de bus la traversent jour et nuit pour amener les touristes et les conduire dans les réserves naturelles des environs… Décidément c’est à se demander s’il est possible de trouver un lieu tranquille et sans touristes en Chine …
Ne désespérant pas de se réserver un séjour « au calme », nous demandons à l’organisateur de la rando à cheval d’être seulement tous les deux avec notre guide. « Pas de problème » !
Super, enfin la perspective de pouvoir mieux faire connaissance avec un local et de nous échapper dans la nature sur nos montures. Cela commençait à vraiment nous manquer.
Nous nous pointons le lendemain au rendez-vous, où une bonne trentaine de personnes étaient rassemblées, tous occidentaux. Chic, on est vraiment tombés dans le panneau du circuit pour touristes …
Qu’à cela ne tienne ! On ne désespère pas de se retrouver seuls comme prévu et comme nous le reconfirme notre guide.
Mais c’est à notre grand damne que nous réaliserons que plus la journée avance, moins nous nous séparons des autres, et que nous participons à une enfilade de « clampins » d’environs 23 personnes !!!
Horreur et désespoir !
Mais les plus à plaindre dans tout cela ce n’est pas nous mais bien nos montures. Car les pauvres bêtes, en plus de nous porter, et ce dans de terribles des côtes où l’oxygène commence déjà à se raréfier, transportent tout le matériel de bivouac. Pas un seul cheval de bas ! Ce qui signifie que nous sommes juchés sur les tentes et les couvertures et qu’il doit y avoir bien 25 kg de matériel sous nos fesses en plus de notre poids !
Les chevaux on l’air habitués et ont un pied incroyablement sur dans ces étroits sentiers, mais ils peinent et les guides protestent si nous faisons mine de descendre de cheval pour les soulager. Heureusement nous mettons quand même tous pied à terre dans les descentes car ce serait un coup à leur détruire les articulations. Et les pauvres bêtes travaillant tous les jours pendant la saison touristique, il faut les rentabiliser …

Les guides sont cependant sympathiques et aux petits soins pour nous. Ils préparent le repas, montent les tentes, font les lits, s’assurent que personne n’ai froid etc … Les jeunes s’occupent des chevaux et, comme nous nous arrêtons au campement vers 15h, cela leur laisse quand même le temps de se reposer et de brouter.



Mais leur complément alimentaire et la façon de leur donner est plutôt original et amusant : ils leurs attachent un vieux ballon sous le nez ou un casque de chantier pour faire mangeoire, et leurs remplissent des restes de notre repas : soupe de légumes, chaude et épicée !!!


Jamais nous n’avions vu un cheval accepter pareille nourriture. Surtout après les chevaux mongols qui ne voulaient même pas du sucre ou des gâteaux qu’on leur offrait, trop habitués à ne manger que de l’herbe !!!
Il faut croire que ça convient à ceux-ci, qui approchaient même leur nez curieux pendant que nous mangions. Peut-être même cela leur donne-t-il effectivement un surplus d’énergie car ils nous ont grimpé jusqu’à 4300 m.



Le dernier jours nous nous sommes arrêtés devant un grand monastère, ceinturé par un mur de moulins à prières. Nous n’en avions jamais vu autant.


Seuls les hommes ont été autorisés à aller le visiter. A l’intérieur, de jeunes moines travaillaient les textes sacrés et ils se sont volontiers laissé interrompre pour montrer le temple dont ils detenaient les clefs, et se faire prendre en photo.





Finalement ces trois jours de balade nous auront permit de sortir enfin de la ville, de prendre un peu l’air des montagnes et d’apprécier les paysages des contreforts de l’Himalaya. Mais Emma n’était pas en grande forme et nous avons vraiment eu l’impression de participer à une usine à touristes, qui certes fait travailler beaucoup de monde, mais exploite les animaux.
Cependant nous avons ainsi eu le plaisir de rencontrer des tibetains qui vivent dans les villages de montagne, peuple qui malgre l'oppression chinoise reste fier et toujours souriant.













De retour à Songpan nous avons repris le bus le surlendemain et n’avons pas non plus trainé longtemps à Chengdu, pressés de retourner à Pékin, où finalement nous nous étions plu les premiers jours.
Il fallait juste réussir l’épreuve « acheter un billet de train », dans la gare bondée où il y avait une queue de plusieurs mètres à chaque guichet. C’est dommage que nous ne puissions pas ajouter le « son » à la photo car c’était encore le « meilleur » ! Essayez d’imaginer, ajouté au brouhaha d’une pareille foule, les cris des gens qui s’interpellent, les bébés qui hurlent leur ras le bol et font pipi sur le sol, par l’ouverture conçue à cet effet dans leurs pantalons. Ajoutez à cela les distorsions d’une dizaine de hauts parleurs qui aboient les horaires des trains et couvrent alors le bruit ambiant, atteignant un niveau sonore à la limite du supportable.
Il nous faudra attendre environ une heure dans cette foire pour obtenir (alléluia !) deux billets pour Beijing de l’employée qui ne parlait que chinois. Nous n’avons pas été peu fiers à ce moment là d’avoir réussi à résister à la terrible envie de fuir !

Une fois de retour à Pékin il fallait tout d’abord s’occuper de faire faire un nouveau visa mongol, puis de réserver un billet de retour pour Ulan Bator.
Nous avons ensuite eu quelques jours devant nous que nous avons employés à visiter ce que nous n’avions pu voir la première fois (un peu de culture que diable!).
Nous avions bien fait d’attendre car il faisait moins chaud que fin Juillet et nous avons ainsi en partie évité les groupes de tour opérateurs chinois, menant 30 touristes au bout d’un drapeau, et avec force commentaires dans leurs porte voix !
Malgré tout nous savions qu’il y aurait forcément beaucoup de monde sur la Grande Muraille, mais nous ne pouvions nous résigner à ne pas aller vois de prés cet édifice mythique.


Et lorsque l’on s’en approche et qu’on la devine, perchée sur le plus haut des crêtes, se déroulant dans un long ruban dont le fil se perd à l’horizon, on ne peut que rester impressionné et fasciné.
De plus une fois sur place, tout le monde se disperse et nous avons pu marcher seuls, sur le plus grand mur du monde, la seule construction humaine visible de l’espace !
Une telle envergure est difficile à imaginer, surtout quand on sait que sa construction a débuté environ 200 ans avant J-C et qu’elle a nécessité 180 millions de mètres cubes de terre pour former le cœur de l’ouvrage. La légende dit même que les corps des ouvriers morts à la tâche y furent ensevelis. Et beaucoup périrent, pour construire ce rempart qui s’étend de la côte Est de la Chine, au désert de Gobi soit sur plus de 50 000 km ! C’est dire si les chinois redoutaient les invasions des barbares mongols. Tout le long du mur se dressent des tours de guets d’où on allumait des feux de crottes de loups pour signaler les mouvements ennemis.

Cependant la muraille ne remplit jamais totalement sa fonction car les sentinelles étaient corruptibles … Et Gengis Khan finit par franchir le mur protecteur déclarant que « La solidité d’un rempart dépend du courage de ceux qui le défendent » …
Des siècles plus tard elle tomba à l’abandon et c’est finalement le tourisme qui la sauva …Et qui aujourd’hui la menace sérieusement. Même dans se rêves les plus fous, Qin Shihuang, le premier architecte, n’aurait jamais imaginé des barbares monter à l’assaut de son chef-d’œuvre en arborant des T-shirts « J’ai escaladé la grande muraille » !!! En effet certaines parties du mur sont surexploitées et l’on y a construit des téléphériques pour faciliter l’accès à un maximum de personnes. Celles-ci tels des badauds sont inconscientes d’une telle richesse historique, et jettent leurs détritus au sol, ou gravent leurs noms sur des pierres vieilles de plusieurs siècles …
Heureusement nous avons eu la chance d’escalader (oui c’est bien le mot) une partie assez peu visitée. Le début avait été restauré et laissait imaginer la grandeur et la splendeur du Grand Mur. La suite, plus laissée aux « soins » de la végétation rendait l’ascension parfois ardue et acrobatique, mais donnait aussi un charme infini à ce lieu si porteur de rêves.

Qui n’a jamais rêvé de voir la « Grande Muraille de Chine » ?
Nous y étions ! Et dans les moments de solitude, sentions vibrer l’histoire dans la pierre placée là il y a plus de 2000 ans, goûtant à un moment de calme entourés d’un écrin de verdure.
Malgré toutes les images que l’on peut avoir en tête de ce lieu si célèbre, on s’étonne et l’on s’extasie encore devant une construction aussi pharaonique.




Après ce bol d’air loin de la capitale, un autre édifice somptueux, ayant résisté lui aussi aux tourments de l’histoire attendait de nous ouvrir ses portes : la Cité Interdite.
Encore un nom bien évocateur … Que peut-il cacher ce palais qui ne pouvait être dévoilé aux yeux du peuple ? Et comment pouvaient-ils vivre ces empereurs, coupés du monde à l’abri de murs si haut et si épais ?
Les deux dernières grandes dynasties impériales, les Ming et les Qing dirigèrent le pays pendant cinq siècles depuis cette résidence close. Autrefois on aurait payé de sa vie l’entrée dans la cité interdite. Aujourd’hui des centaines de milliers de touristes la visitent chaque jour.


Mais si l’on a le courage de se lever assez tôt pour y pénétrer dés l’ouverture, alors on peut gouter au privilège infini de se promener seul dans ses innombrables cours. Et ce qui s’est révélé pour certains une vraie bousculade et un bain de foule a été pour nous un vrai moment de calme et de sérénité ! De plus le brouillard dense qui enveloppait les toits échancrés ajoutait une touche de mystère à ces palais vieux de 600 ans.
Les jardins, délicatement ornés d’arbres tortueux, de temples dissimulés au sommet de rochers sculptés, de fleurs odorantes sont une invitation à la contemplation zen.
Et chaque petite cour est agencée avec harmonie et souci de l’esthétique, encadrant tel palais qui autrefois abritait les concubines de l’empereur ou tel autre où se dresse un trône richement décoré. On sent que là aussi l’art du Feng Shui a déterminé l’emplacement de chaque chose, et comme part hasard, on se sent incroyablement bien dans cet univers harmonieux.

D’ailleurs c’est un tel régal pour les yeux, une telle perfection architecturale que cela n’est pas étonnant. Chaque perspective semble travaillée pour que le regard se pose sur un enchevêtrement de toits sculptés, une cour ornée d’un arbre centenaire ou une céramique à tête de dragon …
La seule déception est de n’avoir pas pu admirer les deux plus grands palais, en rénovation complète. Et oui il ne faut pas oublier que Pékin accueil les Jeux Olympiques de 2008 et la capitale entière se prépare à ce grand évènement international en commençant par un lifting complet. Ainsi beaucoup des temples et monuments que nous avons visités étaient-ils souvent cachés derrière les échafaudages …

Quand nous avons quitté la vaste capitale, nous étions à la fois impatients de retourner en Mongolie, et un peu nostalgiques en regardant pour la dernière fois les toits romantiques qui se dressaient au dessus des murs de la Cité Interdite. Malgré quelques moments difficiles, nous avons aimé cet épisode chinois. La Chine est simplement un pays très différent de nos coutumes, et il faut un certain temps pour se laisser apprivoiser. Ce séjour d’un mois nous a tout juste permis de nous y accoutumer, un peu court pour un pays aussi vaste. De plus nous l’avons visité probablement à la pire saison d’un point de vue climat et sur fréquentation, ce qui nous a un peu gâché le plaisir dans certains lieux.
Mais finalement nous sommes heureux d’avoir poussé si loin notre exploration et de s’être un peu confrontés avec nos limites…

























Ce fut quand même avec soulagement et une certaine excitation que nous passâmes la frontière mongole, heureux de bientôt retrouver notre liberté au volant de notre Ami6 qui, il faut l’avouer, nous avait bien manqué !
Nous allons même avoir le temps de prolonger encore un peu le plaisir en Mongolie une quinzaine de jours en attendant le visa russe.
Nous poursuivons notre « Route de l’eau » à l’Est du pays cette fois, que nous n’avons pas encore exploré. La Chine avait un peu manque du gout corse de l'aventure, un peu de pistes mongoles devraient nous y replonger rapidement !