vendredi, mai 12, 2006

la route d'Aral


La route jusqu’à Aral promettant d’être assez désertique et aride nous avons fait le plein en eau et en vivres avant de quitter Atyrau. Fin prêts et motivés pour affronter la rigueur de la steppe, nous hésitions presque à prendre les pistes pour couper au plus court car la route fait un énorme détour par le Nord.
Nous n’allions pas être déçus car en fait de route c’est un reste d’asphalte défoncée. Nous pensions avoir tout vu en Roumanie, mais ici cela dépasse l’entendement. Nous n’allions pas tarder à comprendre pourquoi nous étions si seuls sur ce gruyère, c’est parce que les quelques véhicules qui tentent la liaison prennent tous les pistes qui longent la route. Du coup nous avons eu notre compte de piste et avons vite oublié l’idée de couper à travers tant la trajectoire principale était déjà de mauvaise qualité et le risque de se perdre était grand.


Nous pensions faire les 1000 km qui nous séparaient d’Aral en 2 jours, il nous en faudra 4 bien remplis à un rythme de 30 km/h de moyenne environ ! Car même les pistes étaient par endroits truffées d’ornières et ravinées par les camions.


Nous avons d’ailleurs eu pitié d’eux car on en a vu un grand nombre en panne ou ensablés. Quand on pense que c’est certainement leur quotidien …


L’Ami6 nous a prouvé ici toutes ses qualités car elle est passée partout aussi bien qu’un 4x4. Il fallait voir les autres voitures posées sur le châssis au milieu des pistes !
Mais nous avions quand même bien préparé la voiture en lui rajoutant un sabot qui s’est avéré salutaire sur les pistes et en aillant monté les roues tout terrain avant de quitter Atyrau.
Même pas une panne d’essence sur ce parcours pourtant bien isolé.

Nous avons quand même acheté 5 l de sécurité à une famille au bord de la route. Ils étaient sympathiques mais nous ont bien roulés en nous vendant l’essence deux fois plus cher, nous affirmant qu’il n’y avait pas une station avant 300km. On s’est aperçus en les quittant qu’il y avant un poste d’essence à la sortie du village ! … Ce n’est pas grave c’est le jeu…


Ce fut quand même une liaison éprouvante qui nous a demandé un maximum de concentration. Mais cela fut compensé par la beauté sauvage des paysages et la quantité d’espèces animales observées. L’horizon infiniment loin et les contrastes des couleurs changeantes de la steppe nous ont donné des bouffées d’enthousiasme.

On a cependant commencé à douter de pouvoir traverser le Kazakhstan dans le mois impartit par notre visa si toutes les routes sont aussi dégradées. Mais à 100km d’Aral, en changeant de province, nous avons enfin retrouvé ce que l’on appelle chez nous une route !

Nous sommes arrivés à Aral de nuit, exténués, et les lumières enfin à l’horizon du désert ont illuminé notre courage émoussé. Ce fut notre liaison la plus difficile depuis le début du voyage. Nous n’avions qu’une idée en tête : prendre une douche pour nous décrasser de 4 jours de poussière, dans le seul hôtel d’Aral. A peine arrivés dans la chambre on se précipite dans la salle de bain : pas de douche ! On cherche alors dans le couloir des douches communes : Rien ! On est donc redescendu à la réception s’enquérir d’un point d’eau et on nous apprend que pour la salle de bain c’est la chambre « luxe ». Va pour la « luxe » au double de prix, on a trop besoin de se laver. On a finit dans un véritable appartement où on aurait pu inviter 15 personnes à manger, vaisselle comprise !
Après un décrassage et une nuit réparatrice, nous avons enfin découvert la ville et son fameux port…


Comment retrouver les mots qui nous venaient en marchant dans ce qui était autrefois la mer … Triste ! C’est bien le 1er qui vient à l’esprit. Désolé, abandonné, sal, pollué viennent ensuite … Ces carcasses laissées là telle qu’elles, rappellent cruellement leur triste sort. Comme des tombes gigantesques de ces pauvres marins et de leur mer. Une sensation de petite mort plane sur tout cela.


Et les enfants, avec leur éternelle insouciance et joie de vivre jouent maintenant dans les épaves au lieu de faire des pâtés sur la plage ! Pourtant du sable ils en ont à ne savoir qu’en faire, il n’y a plus que cela ! On a vraiment du mal à imaginer, même en fermant les yeux les reflets d’une eau bleue à la place de cette terre désolée.


Le port, certainement animé autrefois ressemble maintenant à un terrain vague où flottent les sacs plastiques.
Et la place du village où l’on devait vendre le poisson à la criée est aujourd’hui aussi déserte que le paysage autour de la ville. Il n’y passe plus que le vent qui fait tourbillonner la poussière en bourrasques.

Nous avons alors renoncé à essayer d’atteindre la mer d’Aral pour plusieurs raisons :
Tout d’abord la route qui s’en approche est certainement très mauvaise et il aurait fallu une journée pour parcourir les 200 km aller retour dans un vent violent. De plus nous n’étions pas surs de pouvoir y accéder car le dernier village est encore loin de la mer. Enfin la perspective de voir encore des bateaux rouillés ne nous motivait plus guère, c’était plus attristant que nous ne l’avions imaginé.



La seule lumière dans cette citée abandonnée aux démons du vent fut les enfants qui nous ont accompagnés partout, sans rien demander, en nous regardant avec curiosité. Sans avoir pu communiquer, nous avons échangé avec ce que nous avions : des regards et des sourires.





Le plus scandaleux dans ce désastre est qu’il ne s’agit pas d’un accident ! En 1950 les planificateurs soviétiques qui décidèrent d’utiliser pour la production de coton le Syr Daria et l’Amou Daria, les deux grands fleuves qui alimentaient autrefois la mer d’Aral, savaient qu’ils provoqueraient son assèchement. La quantité d’eau prélevée pour l’irrigation fut si énorme qu’entre 1966 et 1993 le niveau de la mer d’Aral chuta de plus de 16 m et ses rives orientales et méridionales reculèrent de 80 km !
Les conséquences de ce rétrécissement ont eu des répercussions multiples :
Tout d’abord sur le climat : les hivers sont plus froids et les été plus chauds et plus secs.
Le sel, le sable et la poussière des zones asséchées se déplacent à des centaines de kilomètres à la ronde sous forme de tempêtes qui ramassent au passage les résidus chimiques des terres cultivées. Les populations locales parlent déjà d’un désert d’Akkoum .
Les problèmes sanitaires font froid dans le dos et tout un éventail de maladies se développent depuis.

Nous avons finalement fuit l’ancien port et ses fantômes, en nous faisant délester au passage de 1000 Tengués par la police locale. Et oui nous avions échappé à la corruption jusque là, elle nous a rattrapée à Aral …


Le vent fou de la ville ne nous a alors plus quittés et malgré la route maintenant de bonne qualité, nous n’avons pu rouler à plus de 60 km/h au lieu des 75-80 km/h habituels !



Il nous a fallu 2 jours pour atteindre Turkestan à 450 km plus au sud, à l’orée du désert du Kyzylkoum. C‘est ici que se trouve un haut lieu de pélerinage de l’Islam : le Mausolée de Kozha Akhmed Yasaui, premier grand sage du monde turc. Erigé par Tamerlan (grand conquérant qui succéda à Gengis Khan) à la fin du XIVe siècle, l’immense édifice a retrouvé sa splendeur grâce aux travaux de restauration financés par le gouvernement turc.
Ce tombeau abrite la sépulture d’un grand sage soufi. Cette branche de l’Islam est considérée comme une des plus modérée et d’un aspect plus individualiste, ce qui était plus compatible avec le mode de vie nomade des populations d’Asie centrale. Cela explique peut-être pourquoi c’est ce mouvement qui domine aujourd’hui dans cette région du monde. Le soufisme est organisé sous forme de confréries autour d’un lieu saint, souvent le tombeau du fondateur.

Mais la façade restée à jamais inachevée, donne l’impression que l’édifice est suspendu dans le temps. Comme s’il n’appartenait pas seulement au passé mais que ses artisans avaient juste pris une pause avant de revenir terminer leur œuvre. Ainsi même en n’ayant pas les mêmes appartenances religieuses que les pèlerins on se sent emprunts de respect et de recueillement dans ce lieu hors du temps.

Ces haltes culturelles nous reposent des longues liaisons du Kazakhstan (d’une superficie de 2 717 300 km 2 ). Il nous faudrait certainement plusieurs mois pour le visiter complètement. Mais si nous voulons être au 1er Juin en Mongolie, nous devons rejoindre Almaty assez rapidement pour faire les visas russe et mongol afin de poursuivre notre périple.


PS : Toutes les photos peuvent etre agrandies en cliquant dessus

8 commentaires:

Anonyme a dit…

et bien cette fois, je suis la première!!
j'imagine que vous avez dû avoir quelques frayeurs et quelques sueurs froides. La faune locale fait froid dans le dos, sans parler de ce cimetière de bateaux...quelle désolation!
Nous n'allons bien sur pas refaire le monde, mais si les hommes prenaient conscience des repercussions que leurs gestes peuvent avoir sur la nature peut-être réfléchiraient-ils à deux fois avant d'accomplir leurs méfaits!
Bonne chance pour la suite et ne faites pas d'exces de vitesse sur les routes!!
Je vous embrasse fort.

Richard a dit…

Coucou les loulous..alors en rentre dans la quatrieme dimension vous me rejoingnez sur les routes de la misere..entre polution et sourire d'enfant, arnaque et observation surnaturelle..ici rien n'est habituel, aucune logique occidentale..tout s'achete et surtout tout ce jette ...par terre evidemment, plastique, serviette, epluchure,...sans aucun scrupule..
je vous fais coucou du dessous..et vous embrasse fort
Richard
PS oui les chameaux ont les poils longs..

monjouet a dit…

Des paysages de marée basse permanente, désolant, édifiant, rageant. Et des sourire d'enfants, qui souvent effacent les plus grandes peines. Courage sur vos presque routes. Amitiés. Laurent.

LE ZUBIAL a dit…

Et ben c'est de plus en plus chouette tout ça..... Mais fais gaffe, Manue, les photos prises du côté de la Mer d'Aral me font douter : tu es sûre que Steph, n'essaye pas de te mener en bateau ? Ouh la le vilain calembour. Désolé.......

Que de beaux clichés et d'aventures nous offrez vous là ! Je me régale à vous lire, et à vous suivre dans mes pensées, un peu maussades ces derniers temps.

En tous cas, ce qui semble sûr, c'est que devez être hypers sages, parce que, toujours selon les photos, il semble évident que vous n'avez jamais été privé de désert (et de deux, paf !)...

Au fait, je me demandai.... Vous le passez quand l'écrit ? Non parce que là, d'après votre itiniéraire, vous venez de passer l'Oural, je crois ...... (et de trois tralala)

Bon, allez j'arrête, Y'en a Aral bol de ces jeux de mots à la con.

Je vous embrasse fort et je signe d'un Z qui veut dire Zubial

Anonyme a dit…

salut vous 2 et merci pour vos infos riche d'enseignements ma trés chere nièce tu as eu le bouheur de croiser le soufisme moi aussi mais dans les livres j ai un poème de LA NORIA
C était Dieu que je désirais
Je l'ai trouvé !!
Et apres ???
prise de tete bises
Moi même

Anonyme a dit…

De la part de Philou,
Tout d'abord j'espère que tout va bien pour vous deux et que votre pèriple se poursuit comme il se doit.Philippe a une proposition pour le Boxer : 7000€.Tenez-nous au courant assez rapidement de ce que vous comptez faire.En attendant de vos nouvelles nous vous bisouillons très fort.

Anonyme a dit…

Chers amis,

C'est vraiment un bonheur de vous suivre sur les pistes, zigzagant entre les oeillères (si on peut encore appeler ça comme ça!)
en cahotant et en toussant un peu,à cause de la poussière, du désert plein les yeux...
ça fait du bien aux nostalgiques du lointain, et aux autres aussi d'ailleurs.
Merci de nous faire une petite place dans la boîte à gants, on sort la tête de temps en temps et on aspire des grandes goulées de road movie.
Toutes nos plus belles mélodies vous accompagnent,
joyeuse steppe et à plus tard sur la route!

Au fait, il est chouette votre nouvel animal de compagnie, c'est quoi, une sorte de cobra?

Anonyme a dit…

Je vous suis toujours et suis bien content de voir que vous avancez sans gros pépins vers votre but. Tout ce que vous nous partagez est passionnant et vous allez me faire regretter ma vie de sédentaire.